Le Journal
Actes d'amour
#Paroles 3 bis fAoût 2021. Quatrième acte de la crise sanitaire du Covid-19. En réalité, on ne sait plus à quel acte nous en sommes. La crise se prolonge, le virus circule à nouveau activement en Europe à travers les variants. Elle frappe très durement un grand nombre de pays dans le monde, les pays du Sud en première ligne. Sans politique vaccinale pensée globalement, les politiques nationales de santé publique risquent fort de tourner en rond dans la spirale illusoire d’un combat à huis-clos au sein des frontières des États.
Il s’agit bien pourtant, en France, d’un nouvel acte de la pandémie, taux d’incidence en hausse versus fractures de plus en plus fortes au sein de la société. La mise en application du Passe sanitaire tel qu’il a été envisagé par le gouvernement a été validé par le Conseil constitutionnel mais n’écarte pas pour autant de nombreuses questions liées à la citoyenneté.
Qu’est-ce qu’un acte ? Au théâtre, les actes rythment la temporalité de la progression du récit. Dans la vie, recourir à cette métaphore signifie qu’un contexte, un paradigme a changé. La période que nous vivons est effectivement celle d’une mutation, d’une altération de notre rapport au monde, comme l’évoque le sociologue et philosophe Bruno Latour qui poursuit en précisant que l’altération du rapport au monde est aussi une définition de la folie. D’un monde, nous mutons dans un autre. L’impression d’être collectivement passé dans un accélérateur de particules. Latour ajoute également que cette nouvelle épistémologie réunit sciences naturelles et humanités sur un même sol commun, amorçant un nouveau point de convergence entre science et politique. Si la période que nous traversons est bien sombre, elle a donc l’avantage de nous réunir tous dans la même zone critique.
Actes d’humanité(s) liant l’art, le soin, la vieÀ l’hôpital, on pratique des actes soignants. Les soignant.e.s interviennent à tous les stades des parcours de soin : leurs actes sont enregistrés, quantifiés, transmis, dans un logiciel. Ils/elles pratiquent aussi pourtant d’autres actes, quotidiens, innombrables, ne faisant pas l’objet d’enregistrement. Pour autant, ce n’en sont pas moins également des actes de soin, d’humanité que la tarification à l’acte ne peut quantifier et qui participent, pourtant, au rétablissement.Au 3 bis f, dans une action en étroite articulation avec le Centre Hospitalier Montperrin, comme dans de nombreuses structures sanitaires, sociales qui appréhendent l’ensemble des composantes de la vie (hébergement, emploi, mais aussi rencontre avec l’art) en les considérant comme inter-reliées, notre action repose sur des gestes quotidiens, simples, marqués par une déspécialisation de nos actes, en portant collectivement un projet croisant des compétences et expériences multiples autour de l’art, du soin, de la vie sociale.Les projets artistiques que nous accueillerons tout au long de la saison 2021-2022 mettront plus ou moins tous en jeu ce que nos actes portent de possiblement capacitaire, à l’échelle individuelle comme à l’échelle d’une société, et à l’échelle du monde.
Actes pour agir. Pour tenter de (re)donner une capacité agissante, pour soi, avec les autres. Et souvent, à travers l’autre. En partageant des projets artistiques en cours de création, rencontrant les artistes, créant d’autres manières d’être ensemble dans un monde devenu fou : autant de chemins possibles vers la puissance d’agir dont nous parle Spinoza, joie de créer du commun entre l’art et le soin réunis à travers des actes d’amour.