Un centre d’art et une fabrique des arts vivants dans un espace d’hospitalités

Menu

ARTISTES EN RÉSIDENCES

MARION BLONDEAU

Résidence de création | mai 2024  
Shadi Khries

Interprète, chorégraphe, chercheuse et pédagogue, Marion Blondeau se forme au CMDC de Tunis puis à l’École des Sables au Sénégal. Elle engage de nombreuses collaborations en France, Tunisie, Égypte, Palestine, Espagne et en Afrique du Sud, avec notamment Nawal Skandrani, Lucky Kele, Mithkal Alzghair. Elle est interprète pour Phia Ménard dans Saison Sèche (création 2018) et sera interprétée en solo pour Art. 13 (création 2023). Depuis dix ans, son travail de création explore la question des corps féminins et de leurs paroles dans nos sociétés contemporaines.

En tant que pédagogue, elle déploie depuis 2016 une recherche en fasciapulsologie® appliquée au mouvement dansé suite à la transmission reçue de Florence Augendre, aux Ballets C de la B. Marion Blondeau vit à Marseille et est artiste associée en 2022/2024 au CCN de Nantes / direction Ambra Senatore.

INTERVIEW MARION BLONDEAU
Octobre 2023


F comme ?


Alors il y a deux mots qui me sont venus en même temps, fantasques et fantastiques. Ce que je trouve le plus étrange et ce qui me plaît qui est fantastique. Il y a un petit côté peut-être un peu virtuose dedans mais j'aime bien du coup l'association des deux choses, en fait je pense que je suis arrivée avec ces deux mots parce que je suis très dyslexique. Ils arrivent en même temps.

 

Quelle est la genèse du projet ?

Elle est à deux endroits qui se tissent depuis le début. Le premier endroit, c'est un endroit du corps sur la pratique somatique de fascia appliquée au mouvement. C'est une pratique que j'ai rencontrée il y a 7 ans maintenant auprès d'une femme qui a créé cette pratique. En gros ce sont des touchés avec des qualités très particulières qui viennent éveiller la conscience des corps au travers de ces couches-là, ces enveloppes conjonctives ont une fonction de structure et de communication dans l'organisme. Et cette expérience en fait elle a été massive dans mon rapport au corps, dans mon rapport au mouvement et dans mon rapport au monde aussi en tant que femme. Parce qu'elle m'a permis quelque part de déployer un espace où je pouvais être en relation avec beaucoup d'expériences que j'ai déjà traversées, qui ne sont pas toujours à ma conscience parce que c'est compliqué d'être en présence de tout.

Mais cette pratique me permettait cela, elle me permettait de m'exprimer physiquement en étant en relation avec l’échos de toutes ces expériences.

C'est comme si du coup je pouvais apparaître beaucoup plus diversifié et beaucoup plus en contact avec plein de parties de moi-même, et de là, j'ai fait le constat que j'avais beaucoup d'expérience, malgré mon âge très humblement, que j'avais déjà beaucoup travaillé de choses et que je pouvais m'appuyer sur ces expériences-là. Donc il y avait ça et je me suis dit c'est vraiment fantastique parce qu'il y a de la ressource à soi, qu'on peut toucher. En tout cas je me sens en contact avec et cela me donne une assise et un espace d'appui pour aller un peu plus loin.

J'ai fait ce constat à mon endroit personnel et je me suis dit, Ah dis donc pour les personnes qui sont encore plus avancées dans l’âge, ça doit être incroyable, comme une bibliothèque énorme avec laquelle on peut se relier et travailler.

Travailler notre adresse du coup aussi en tant que performeuse. Comment on s'appuie aussi sur ces expériences pour aller toucher l'autre ? puisque c'est aussi ce que l'on fait dans le spectacle vivant.

Et surtout aussi d'un point de vue féministe, je développe vraiment mon travail à l'endroit des femmes. Je me dis que là où souvent, on peut être un peu réduite, ou minimisée, ça nous permet d'être en contact avec tout ce que l’on est. C’est une vraie force.

D’un point de vue féministe, c'est une pratique physiologique sensible que je trouve politique aussi. Donc Il y a eu ça aussi, tirer le fil de ces questions politiques.

Dans la continuité de mon travail sur la question du corps j'ai fait le constat que les femmes passées 50, 60 ans, on ne les voit plus beaucoup. Et qu'après c'est encore pire. Et il y a aussi le risque de ne plus du tout les considérer, avec toutes les expériences, les savoir-faire, les expertises que ces personnes ont acquises dans leur vie. Il y a quelque chose qui est presque de l'ordre de l'infantilisation, là c'était des retraités, et bientôt des vieillards. Alors que ce sont des mines d'or de savoir-faire et de transmission. Et de sentir qu'on se coupait d’eux… Ces personnes sont là en fait. Elles sont encore là.

Et du coup, je me suis dit que j'avais envie de me poser ces questions d'invisibilisation des corps de femmes. De proposer de les regarder, donc de les mettre en scène.

A partir de tout ce qu'elles savent faire, à partir de toutes leurs expériences qui sont intégrées dans leur cellule, et donc de ce qu'elles peuvent nous transmettre à partir de là, et pour ça je m'appuie sur cette pratique somatique liée au fascia.

 

Alors pourquoi le 3 bis f ?

J'avais entendu parler du 3 bis f depuis un certain temps déjà, et ce qui m'a touché dans le projet du lieu, c'est que l’on puisse s’ouvrir à d’autre. Que ça soit inscrit dans un hôpital, on est dans des espaces qui ne se rencontrent pas vraiment. Cette possibilité d'être inclusive, avec cet environnement et de pouvoir s’ouvrir à des publics un peu différents.

Donc pour des étapes de travail ou des expérimentations, déjà en termes de projet, de lieu, je trouve ça assez fantastique, mais d'un point de vue sociétal, je trouve cela extrêmement nécessaire. Parce qu'on a besoin de créer du lien.

Pour moi le spectacle va contenir toutes ces expériences et ces expériences-là vont être très importantes dans ce que ça va venir travailler et implanter dans le processus créatif. C’est dans ce sens que je trouve très très important de pouvoir s'ouvrir à des publics différents, l'intention c’est d'être extrêmement inclusive dans la société et ces personnes font évidemment partie de la société, c'est une grande chance de pouvoir les accueillir dans notre processus.

 

Comment travailles-tu ?

Alors ça, c'est super dur comme question. Je travaille donc beaucoup avec mon corps

Je travaille beaucoup avec mes sensations, j'essaie d'être beaucoup avec un travail du corps tissulaire, comme je l'appelle. Je travaille beaucoup, avec mon intuition aussi.

Je travaille avec tout mon être, dirais-je.


J'essaye de travailler, de mobiliser mes ressources là où je sens que le travail est juste.

Mais que mes appuis c'est vraiment mon corps. J'ai vraiment l'impression que toutes les informations, tout ce que je canalise et tout ce que je j'intègre, tout ça par passe d'abord pour moi, par du physique et du physiologique avant de passer par du cérébral et je pense que c'est ce qui fait une de mes singularités aussi. C'est aussi une conséquence de la dyslexie, de trouver d'autres stratégie ou savoir-faire peut-être.

Pour être au monde je tisse profondément avec des positionnements politiques comme un dialogue politico-physiologique.

 

Et comment cohabites-tu avec ta folie ?

J'oscille entre deux. Une certaine discipline. Et puis j'essaye des phases de grands lâcher prise. J'essaie d'osciller et de trouver mes respirations là-dedans, être au travail avec ma folie tout en restant toujours bien les pieds dans la terre.


La folie, tu la verrais où ? Dans le lâcher prise où dans la discipline ?

Bon, un peu des deux parce que je pense qu'on peut être un peu cinglé avec la discipline.

 

Vers où regardes-tu ?

Mais j'allais dire en dedans de moi, et en même temps il y a toujours ce principe, d'oscillation, de conjonction, et c'est vraiment lié au fascia aussi. Il y a un dedans et il y a l'endroit de mon environnement, ça fait un regard qui parcourt, un peu comme ça, tout le temps.



ORGANICITÉES
étape de création | jeudi 16 mai à 17h
Danse
voir l'événement
PARTAGE PHYSIOLOGIQUE & CRÉATION D'OBJET
Sessions | 7 mai de 10h à 11h & de 14h à 15h, 10 mai de 10h à 11h & 14 mai 2024 de 14h à 16h
Danse
voir l'événement
Partager