Un centre d’art et une fabrique des arts vivants dans un espace d’hospitalités

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JULIETTE GEORGE

Résidence de création | octobre 2023 > janvier 2024  
Margaux Senlis, 2022

Après des études littéraires à Paris, Juliette George intègre l’ENSP d’Arles d’où elle sort diplômée en 2021. Depuis, elle a exposé son travail à Marseille (Château de Servières, Festival Parallèle, SOMA, La Traverse), Montpellier (Mécènes du sud), Paris (Jeune Création, Poush, Tour Orion, DOC, Espace Niemeyer) et à Tbilissi (Palais Présidentiel). Elle participe également à des lectures (Laboratoires d’Aubervilliers), des publications (16b éditions) et au programme Création en cours des Ateliers Médicis en 2023.

CONVERSATION
septembre 2023


F comme ? 

F comme « Fiction ». Sans doute parce que j’ai fait des études littéraires. J’aime bien que l’on me raconte des histoires et j’aime bien en raconter. Je m’intéresse au travail d’artistes qui produisent des micro-récits ou encore des fictions totales autour de leurs personnages. Aussi je me dis que l’exposition est une forme de fiction qui s’inscrit dans un espace-temps et orchestre une certaine vision de la réalité à un instant T. Elle a aussi affaire à la croyance… Tout ce dispositif déployé, la valeur accordée aux œuvres… Tout cela est une grande fiction. Le White Cube est parfois trop déconnecté du quotidien, de la vie. Aussi, l’artiste est aujourd’hui entouré de tout un méta-texte qui crée aussi l’œuvre, génère de la complexité : ce qu’on écrit de ses œuvres, ce qu’on raconte de lui ou d’elle… Au sens étymologique, « defigo », ce qui veut dire « figer, attacher ». C’est une fixation du temps qui ouvre des possibles et, en même temps, le fige. Mais le terme renvoie aussi à la stupéfaction.


 

Quelle est la genèse du projet ?

Je suis en train de l’écrire, in situ. Il n’y a pas de projet antérieur, il sera l’aboutissement des quatre mois de résidence au 3 bis f. Ce sera ma première exposition personnelle. La question que je me pose alors est la suivante : qu’est-ce qui tient les expositions ? Qu’est-ce qui fait qu’on continue à aller en voir ? Et l’envie d’y répondre en explorant le récit, un des paradigmes pour moi les plus puissants, qu’il y ait ou non des œuvres plastiques. J’ai donné spontanément comme nom à ce projet Sympathie n’1, en pensant à la capacité que l’on peut avoir à être touché ou non par quelque chose d’extérieur. C’est aussi un peu toute l’histoire de la réception artistique, de ce que fait l’art. Or, le récit nous permet d’accéder à des régimes de sympathies : le plaisir, la réception sensible… Je me pose souvent la question de comment être sympathique aux gens en tant qu’artiste. Je les imagine découvrir les textes et en rire. Aussi, le système nerveux sympathique s’oppose au système parasympathique. Il amène le corps à répondre à une émotion, au combat ou à la fuite… Nous sommes aujourd’hui à l’ère du récit, nous en sommes submergés quotidiennement. Et comme madame Bovary, nous n’en connaissons pas toujours les dosages. Selon Platon, le récit est un Pharmakon : à petite dose, c’est un remède et à forte dose, un poison.


 

Pourquoi le 3 bis f pour ce projet ?

Pour plusieurs raisons : d’abord car cela résonne avec ma vie personnelle, je suis souvent portée par le mélange entre les évènements de la vie. Mon père est entré à Saint-Anne le jour où j’ai reçu l’appel à projets du 3 bis f, suite à une crise de paranoïa — il souffre d’alcoolisme depuis de nombreuses années. Il m’a transmis le goût des histoires. Cela va bien sûr influencer mes recherches. Le 3 bis f est déjà en soi un lieu chargé de récits, je vais jouer avec ces histoires, narrations, images qui sont déjà là, présentes. Les récits sont, par ailleurs, au cœur de la psychiatrie. L’autorité de la psychiatrie travaille avec le récit. Je souhaite travailler sur la puissance littéraire de ces récits. Le lieu est loin du White Cube, c’est un lieu de vie où se mélangent sans distinction les publics, les visiteur.euse.s, les patient.e.s, dans les différents espaces, comme la bibliothèque par exemple. Je souhaite m’appuyer sur ces rencontres possibles dans ce lieu si singulier : mon travail n’est pas un travail d’ateliers, l’atelier sera trop grand pour moi qui ne suis pas plasticienne, je souhaite travailler dans une forme de co-création autour des dispositifs de lecture, du récit même…

 

 

Comment travailles-tu ?

De façon totalement obsessionnelle, très méthodique, presque scolaire. J’ai souvent l’impression en travaillant d’avoir à résoudre une équation logique. J’accumule des mots-clés, des concepts, des formes, des idées, des désirs… Je suis assez maniaque durant cette phase, je peux avoir 75 000 idées parmi lesquels je n’en retiendrai probablement qu’une. Je lis beaucoup. J’échange aussi beaucoup avec mes proches. Je ne travaille pas dans le secret. Pour ce travail, j’ai commencé un schéma d’idées, de références, de citations : le document In Design fait déjà deux mètres de long. Je travaille beaucoup avec ces cartographies mentales qui me rassurent, dans lesquelles j’essaye de représenter ma pensée. J’ai peu de fulgurances, mais une manière de travailler assez laborieuse. Je suis loin du mythe de l’artiste qui rencontre l’inspiration divine, ou de l’artiste dans son atelier ! Mais j’y trouve, néanmoins beaucoup de plaisir.

 

 

Comment cohabites-tu avec ta folie ? 

Quand j’étais étudiante en prépa (littéraire), je me disais que je ne devais pas être artiste car j’étais très appliquée, besogneuse. Je me représentais les artistes avec une folie plus ou moins apparente, une forme d’extravagance… Plus tard, j’ai appris à découvrir en moi une folie raisonnable, grâce à la pratique artistique et au regard de mes proches.

 

 

Vers où regardes-tu ?

Vers le passé. Un peu malgré moi… Je fais peu de projection vers l’avenir, je m’intéresse davantage dans mon travail aux histoires passées, aux émotions, pour essayer de saisir le présent.

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