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Cette saison

Nina Gazaniol Vérité

Résidence de création | Octobre 2024 et janvier 2025  

Diplômée en arts du spectacle et en journalisme, Nina Gazaniol Vérité étudie le détournement de la télévision à travers la performance artistique dans le mémoire Don’t hate the Media, Be the media, fait des stages chez ARTE et approche le cinéma expérimental tout en s’impliquant dans de multiples projets transdisciplinaires. En 2013, elle intègre la Formation supérieure pour la création en espace public (FAI AR / Marseille) où elle développe son intérêt pour l’architecture, les territoires, les notions d’espaces et d’habitant•e•s. Depuis 2015, elle imagine différents projets tout en cultivant un précieux rapport à la recherche et à l’écriture. Elle collabore régulièrement avec différents groupes et artistes tout en poursuivant son propre travail au croisement des arts vidéo et de ceux de l’espace, de la performance et du documentaire, interrogeant une écriture plastique ancrée dans le réel. Et inversement. Depuis 2023, elle est accompagnée et soutenue par Parallèle, Pratiques artistiques émergentes internationales (Marseille).


C’est sous l’égide de Pamela Anderson, qui lui a inspiré ce projet, que Nina se lance dans une aventure filmique aux côtés de plusieurs femmes ayant recours à la chirurgie esthétique. Qui sont-elles ? À quoi ressemblent les interventions qu’elles subissent ? Comment vivent-elles suite à ces opérations ? Pourquoi ont-elles recours à la chirurgie esthétique ? Est-ce une soumission ? Est-ce une forme de liberté ? Doivent-elles fournir une explication à ce choix ? Sont-elles de « fausses femmes » ou de « vraies femmes » ? Ce film est la mise en partage d’une déconstruction, nourrie de lectures philosophiques, sociologiques et politiques, du temps passé dans la vie d’autres femmes, d’incursions dans le bloc opératoire d’une jeune chirurgienne, des visionnages du film Camping Cosmos et des vidéos d’entraînement de Kathy Acker, d’une visite sur la tombe de Lolo Ferrari, et d’une quête quasi impossible pour contacter Pamela Anderson. C’est peut-être aussi une histoire de mensonge et de violence, de sang et de beauté, de pouvoir et d’affirmation de soi.


CONVERSATION - Juin 2024

1) F comme ?

F comme France, si tu enlèves le F ça fait rance, ce mot symbolise assez bien pour moi la tendance actuelle de notre pays à l’heure de la dissolution de l’Assemblée Nationale suite aux élections européennes. Définition de rance : qui a contracté une odeur désagréable et une saveur âcre. C’est vraiment mon sentiment du moment, un mélange de honte, de colère et de peur. J’essaye de ne pas faire ressortir la politique en tant que telle dans mon travail, mais c’est quelque chose d’important pour moi , qui est toujours sous-jacent, et de voir où nous en sommes, c’est dur. Le résultat des dernières élections incarne quelque chose de dysfonctionnel, ça fait vraiment flipper.

2) Quelle est la genèse du projet ?

J’ai découvert Pamela Anderson en regardant un documentaire sur Netflix. Je me suis rendu compte, et ce en ayant bien conscience de l’objet que je regardais, que l’image que j’avais de cette femme était assez loin de la réalité. En plus de la trouver, désormais, iconique, j’en ai tiré une conclusion rapide : malgré ma soi-disant ouverture d’esprit, il semblait que j’associais une femme ayant eu recours à la chirurgie esthétique et revendiquant sa féminité à de la faiblesse, de la bêtise et potentiellement à de la vulgarité. Sous l’égide de Pamela Anderson, j’ai donc décidé de tenter de casser mes propres préjugés et d’aller rencontrer, avec ma caméra, des femmes ayant recours à la chirurgie et à la médecine esthétique, à Marseille, la ville où j’habite. Dans un certain sens, ce projet est aussi pour moi l’occasion d’éprouver l’universalité du concept de sororité, en allant à la rencontre de celles qui n’ont été que peu incluses dans le mouvement de renouveau féministe ou qui pourrait en être considérées comme « les mauvaises élèves», en repoussant mes propres jugements, en me confrontant à un inconnu et en mettant au travail mes propres conceptions politiques, philosophiques et morales. Pourquoi la chirurgie esthétique est liée à des clichés et des préjugés négatifs ? Pourquoi ceux-ci sont plus violents quand il s’agit des femmes? À quoi est dû le phénomène d’attraction /répulsion qui y est lié ? Pourquoi associe-t-on souvent chirurgie esthétique et identité sexuelle ? Qui dictent les règles de la beauté et quels en sont les standards actuels ? Quelles sont les limites à ne pas franchir ? À quels endroits joue la mise en concurrence des femmes entre elles ? Peut-on avoir des faux seins, des faux cils, des faux cheveux, des fausses paupières, des faux culs, des fausses dents et affirmer sa force et sa liberté en tant que femme ?

3) Pourquoi le 3 bis f pour ce projet ?

J’ai découvert ce lieu durant mes études. C’est un endroit exceptionnel ayant des enjeux politiques extrêmement forts, comme pouvoir développer le lien entre recherches et pratiques artistiques au sein de l’Hôpital. Des endroits comme celui-ci il y en a peu, c’est extrêmement précieux. Ma rencontre avec Jasmine Lebert, ma participation aux groupes de réflexion Art, Soin, Citoyenneté (c’est le truc le plus militant que j’ai jamais fait) ont aussi participé à mon envie de travailler au 3 bis F. Au sujet de mon projet, je me rends compte que la chirurgie esthétique et la santé mentale, sont toutes les deux des sujets vraiment tabous. Il a été très difficile de trouver des femmes acceptant de participer au projet même si elles le trouvaient important. Et comme pour la santé mentale, je pense qu’il est important de faire tomber une bonne partie des préjugés qui existent sur la chirurgie esthétique. Et plus particulièrement sur les personnes qui y ont recours. Je pense qu’il y a aussi une forme de liberté et d’empowerment qui y est attaché.

4) Comment travailles-tu ?

Avec beaucoup de lenteur. Je fais du tourisme, dans un espace, dans une zone, dans un sujet, où on n’a pas forcément envie d’aller. La chirurgie esthétique incarnait pour moi quelque chose de l’ordre de la répulsion, alors même que j’y ai eu moi-même recours ! Il y a une dizaine d’années, j’ai lu un auteur, géographe, John Brinckerhoff Jackson, De la nécessité des ruines, qui m’a fait me rendre compte que ma manière de travailler était très proche de celle de faire du tourisme, enfin une sorte de tourisme. C’est ma manière de procéder. Je fais de la vidéo, un outil d’enregistrement génial où le son a toujours une grande importance. J’ai une pratique très liée à l’espace, très marquée par le documentaire et le réel. Je peux aussi me permettre de partir vers des choses plus fausses qui amènent vers le vrai. Je ne travaille jamais vraiment seule, je suis très souvent accompagnée de Marion Vincent avec qui je réalise la plupart de mes projets, mon alter ego, elle me donne beaucoup d’audace tout en me faisant garder les pieds sur terre. Je travaille aussi avec des créateur.trice.s sonores, des preneur.se.s de son, des scénographes, des constructeur.trice.s et des technicien.ne.s. Pour le projet Pamela, j’ai rencontré Élie Peyssard, preneur de son pour le cinéma et Matthieu Fuentes, créateur sonore, avec qui nous allons essayer de développer plus avant la partie sonore de mon travail vidéo. Travailler avec eux deux, qui ne sont pas de la même génération que la mienne, est super riche et stimulant.

5) Comment cohabites-tu avec ta folie ?

Il y a des moments et des espaces où je cohabite avec un grand bonheur avec ma folie mais globalement c’est plutôt un sentiment de peur.

6) Un livre, un film, un podcast avec lequel tu arriveras peut-être en résidence au 3bis f ?

Le film de Jonas Mekas, As I Was Moving Ahead Occasionally I Saw Brief Glimpses of Beauty et bien sûr le livre de Pamela Anderson : Love, Pamela.

Nina Gazaniol Vérité
Mardi 1er octobre à 10h30; et les vendredis 4 et 11 octobre à 15h
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Week-end d'ouverture - CHRONIQUES, Biennale des Imaginaires Numériques
Vendredi 8 novembre de 17h à 22h, et samedi 9 novembre de 14h à 22h
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